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Photo du rédacteurAntoine Kauffmann

La Présence dans l'absence

Dernière mise à jour : 15 août 2024

À ceux dont le chemin les choisit malgré eux, inclinés par leur désir, vers les horizons ondulants et ondoyants qui, de leurs lignes d'ivresse, châtoient la poussière et les orages, l'ombre et la fumée. Hallucinations les menant au creux des vallées sombres où scintillent évanescentes les pâles lucioles que la vérité constelle.


Contrées de désert dans la luxuriance d'un mirage. S'épanouissant fleurs mortelles gorgées du suc d'atrabile, belles vertes à la sève écarlate et brûlante, ruches de nectars dorés, sources de jouvence, elixirs à revigorer l'homme et l'humus de son pas d'argile, fragile comme la solitude d'un enfant mais invincible, métal rougeoyant du feu prométhéen.


Aux compagnons délirants de la solitude, il devient une nécessité de trouver la réponse. Feu follet murmurant qui traverse le monde, à la voix silencieuse, écho d'une caverne aux richesses débordantes, dans l'alcôve secrète de son cœur où gît seul son joyau.


Quelle est cette réponse ? Quelle formule indéchiffrable à cette solution ? Comment y parvenir ? À panser l'absence de sens qui semence nos entrailles, en cette ère effroyable qui s'annonce à renoncer, nous laissant à nous-mêmes désespérés, impies, âmes en peine aux corps souffrants, parmi les morts-vivants qui ne morvivent qu'à damner la leur, offrande dernière faite au diable sur l'autel du transhumain.


Le devenir machinique tresse son bras de circuits de l'énergie infinie que produit le labeur, toujours plus pénible, que nous mettons à entretenir l'oubli et le déni d'une mort prochaine.


Spectateurs derniers de la beauté d'une fleur qui se fane, les vers, les larves et les mouches qui la dévorent nous reprochent notre air de statue et nos larmes de pierre. C'est que nous sommes subjugués par la masse innombrable de ses assaillants, tandis que la fourmilière grouille et s'énerve, redoublant son effort à accomplir le programme d'une nature d'esclave, elle dévore avec frénésie les sépales fumagineuses que leur laissent les nuisibles, jamais rassasiés.


Les malheurs se synchronisent et nous déchirent. Déchirure qui se retrouve aussi bien dans le sourire rongé aux commissures par les lignes folles de la statistique que sur les bouches écorchées et décousues de nos hurlements, dont la douleur se ravive chaque fois du sel de nos larmes. Les sphères se corrompent d'un volute noir : celle de nos désirs est semblable à l'autre où s'épanouit la nature, détruites par le même poison de la technique, dont la logique nous a tous rendus fous.


Comment donc trouver son refuge à l'heure où la vérité nous supplie de lui tendre l'oreille ? En ces temps enténébrés qui jetent les justes et les sages sur les sentiers de la mélancolie, un défi immense les attend.


L'homme ne peut survivre à la solitude. Et la foi retrouvée soulevant les montagnes ne peut se recueillir qu'à cet endroit de l'Un, où l'image impossible de Dieu partout nous fait signe.


Dans le désespoir, quand notre cœur et notre âme n'en peuvent plus des négations infinies que le Rien labyrinthe, l'affirmation de la vie devient l'ultime nécessité. Et la présence manifeste de Dieu nous mirage d'une guérison miraculeuse. Le miracle et le mirage se mirent du même prodige, dans la contemplation de ce grand miroir qui nous offre le Logos.


Les voies du Seigneur se pénètrent des lois du langage. Mais ces lois ne nous ont-elles pas été offertes pour dialoguer avec le Ciel ? Comme un cadeau pour que s'exauce la vœu suprême de Dieu ? Quoi de plus beau, en effet, que ce présent qu'est la parole ? Quelle puissance donc la dépasse dans l'univers, cet infini bien défini des limites que le logos lui donne - Dieu ne joue pas aux dés ?


Si le réel s'avance et rétrécit, recule et s'agrandit à mesure des régrès et des progrès de l'empire du symbole , il demeure néanmoins comme un appel à se faire traverser de l'Un. Ombilic, sphère impossible, immensité de forces incommensurables, il fallut cependant qu'il s'éclairât et se recouvrît du voile Un de la Parole.


La solution réside dans la voie que nous offre le Logos, la parole qui nous parle et fait parler l'immensité, nous fait possesseur de la nature dans un sens nouveau, c'est-à-dire possesseur dans l'hallucination d'un dialogue avec le vide de la matière, dans l'aperception de l'Esprit, où toutes les contradictions s'absorbent et se recouvrent sans s'annuler, demeurant dans l'en-soi, délogeant le vide du plein et le plein dans le vide, se tenant là, dans le secret se révélant, et toujours à révéler, de la présence divine.


Cette vérité tombée à jamais en soi, la présence se nourrit de l'absence. L'Un nous a rattrapé de la faille de l'Autre. La porte de l'émerveillement, jouissance des mystiques, jouissance de la Vie, nous est alors entrouverte. Elle fait du vide qui sépare tous les êtres un pont pour rejoindre et toucher leur cœur. Elle fait de nous tous des frères à prendre en compassion, en sympathie, en pitié, et nous invite à semer ce que la vérité dépouilla du verbe en l'autre, pour qu'enfin puisse retentir les cloches de l'espérance, les lumières d'une foi en l'avenir retrouvée, où ne demeureraient que le souffle du désir, le pacte de notre survie dans la croix du symbole, les mystères infinis de la contemplation.

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